Aux termes de l’article 1641 du Code civil, le vendeur est tenu de garantir les défauts de la chose vendue « qui la rendent impropre à l’usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage ne l’aurait pas acquise ou n’en aurait donné qu’un moindre prix, s’il les avait connus ». Il est donc possible d’appeler le vendeur en garantie des vices cachés si les défauts rendent la chose impropre à sa destination (en matière immobilière, sont considérés comme vices des fondations défectueuses, la présence de termites ou encore l’absence de vide sanitaire sous un plancher), si l’acquéreur n’avait pas la possibilité de les découvrir par un examen normal et qu’ils existaient bien avant la vente, et enfin si ces défauts sont bien imputables à la chose et non à une mauvaise utilisation ou une usure normale de la chose. Lorsque le défaut répond à toutes ces conditions, il est alors possible pour l’acquéreur d’invoquer la garantie des vices cachés auprès du vendeur, qui devra rembourser le bien de façon partielle ou intégrale. Toutefois, il n’est possible d’agir en garantie des vices cachés que durant un certain délai afin de protéger les vendeurs des réclamations abusives.
- La tumultueuse question jurisprudentielle du double délai
La garantie des vices cachés est en effet soumise non seulement à l’exigence de ne pas dépasser un certain temps après l’achat de la chose viciée, mais également à celle de ne pas être invoquée trop longtemps après la découverte du défaut. La jurisprudence a instauré un double délai : en l’état actuel du droit, ces délais sont respectivement de cinq (ou vingt) et deux ans en vertu de l’article L.110-4 du Code de commerce et de l’article 1648 du Code civil. Le délai de deux ans (simplement qualifié de « bref délai » avant le 17 février 2005) ne commence à courir qu’au jour de la découverte du vice.
Si les choses semblent simples au premier abord, la question du double délai fait l’objet d’interprétations différentes entre les chambres de la Cour de cassation depuis plusieurs années et ce sur plusieurs points :
- Tout d’abord, les différentes chambres ne s’entendent pas sur la durée du délai biennal à faire appliquer : la Première chambre civile et la Chambre commerciale considèrent un délai de prescription de cinq ans suivant la vente (Civ. 1ère, 8 avril 2021, n°20-13.493)
alors que la Troisième chambre refuse d’appliquer ce délai quinquennal au motif que le délai butoir de vingt ans prévu à l’article 2232 du Code civil s’applique (Civ. 3eme, 8 décembre 2021, n° 20-21.439).
- Ensuite, la question de la qualification de l’action en garantie des vices cachés donne lieu à une divergence entre la Première chambre civile qui considère que le délai de deux ans mentionné par l’article 1648 du Code civil est un délai de prescription (Civ. 1ère, 20 octobre 2021, n° 20-15.070), la Troisième chambre civile, estime quant à qu’il s’agit d’un délai de forclusion (Civ. 3ème, 10 novembre 2016, n° 15-24.289 ; Civ. 3ème, 5 janvier 2022). L’enjeu de cette distinction réside dans le fait qu’un délai de forclusion, contrairement au délai de prescription, ne peut être suspendu par une action en justice.
- Enfin, les Chambres civiles de la Cour de cassation divergent sur l’application de la règle contra non valentem (règle selon laquelle la prescription ne court pas contre celui qui est dans l’impossibilité d’agir par suite d’un empêchement quelconque). Dans une chaîne de contrats translative hétérogène (c’est-à-dire dans une succession de contrats de construction et de vente) la Troisième chambre civile considère d’une part, que le délai biennal ne peut courir contre le constructeur agissant à l’encontre du fabricant qu’à compter de son assignation par le maître d’ouvrage et, d’autre part, que le délai de l’article L. 110-4 du code de commerce – applicable dès lors que la vente est antérieure à la réforme de la prescription – est suspendu jusqu’à son assignation, en vertu du droit d’accès au juge (Civ 3e, 16 février 2022, n° 20-19.047). La solution inverse est retenue par la Première Chambre civile de la Cour de cassation (Civ 1re, 22 janvier 2020, n° 18-23.778).
Sujet épineux et pourtant essentiel en matière de droit des contrats spéciaux, le traitement du double délai de l’action en garantie des vices cachés requiert une vigilance accrue de la part des parties au contrat de vent